Observations de SOS-Arvel, 11.2.2002.

Observations de SOS-Arvel sur le rapport n° 205 du 10.1.2002 d’Impact-Concept SA, intitulé :

Analyse de la stabilité liée au projet d’exploitation “en dent creuse”

Relevons que c’est le premier document, daté du 10 janvier 2002, qu’il nous est donné de consulter à ce sujet. Il nous a été transmis par notre conseil Me Chiffelle. Ce document tente de démontrer que la stabilité de l’éperon-digue est assurée pour réaliser le projet dit de la dent creuse. Ce rapport a été élaboré par Impact-Concept SA, et signé par MM Blanc (cousin de M Guignard, géologue cantonal) et M Guidolin, géologue-conseil des Carrières d’Arvel SA. On remarque d’emblée que les risques et dangers sont minimisés ou escamotés à la limite de la crédibilité de leurs auteurs. D’autre part, la soi-disant suffisante stabilité  repose seulement sur des estimations et n’est ainsi nullement prouvée par des sondages ou des mesures techniques appropriées.

Il est plus qu’évident que ce rapport insuffisant aurait dû être consultable dans le cadre d’une mise à l’enquête (éventuellement complémentaire), permettant aux usagers des domaines public et privés et habitants du voisinage de vérifier par eux-mêmes, et/ou avec l’assistance de leur propre géologue-conseil, si leurs craintes légitimes quant aux risques d’écroulement ou de chutes de blocs de la falaise de 250 m sont fondées.

Mais dans le cadre d’une enquête (complémentaire) avec des documents suffisamment sérieux pour être conformes aux exigences de sécurité entre autres, le DSE ne saurait se contenter d’une analyse reposant sur des estimations et une inspection visuelle manifestement insuffisante. Une expertise valable de source neutre doit être exigée.

Les avocats-conseils des Carrières d’Arvel SA osent prétendre que nous n’avançons pas le moindre adminicule (commencement de preuve) concernant les risques et dangers. Tout d’abord, ce n’est pas à SOS-Arvel de prouver la véracité des risques, mais bien au contraire, il appartient aux Carrières d’Arvel de prouver que ces risques et dangers n’existent pas et que la stabilité de l’éperon-digue est sans faille.

Même le rapport complaisant de MM Blanc et Guidolin mentionne clairement ces dangers:
en page 3, point 4.1 : “L’analyse des discontinuités […] montre que des risques d’instabilité existent”, “Les principaux risques d’instabilité sont liés au pendage défavorable de la stratification […] et la présence de discontinuités en particulier dans la partie sommitale de la falaise actuelle”, “le pourcentage de bancs marneux et schisteux intercalés (donc fragiles) dans le gisement de roche dure […] est estimé à 15%”, “La présence d’une discontinuité majeure reconnue lors de l’exploitation […]”
en page 5 : “Toutefois il n’est pas exclu que des blocs et masses rocheuses se détachent de la partie sommitale de la digue rocheuse en direction de la plaine”.
en page 4, point 4.2 : “On notera que sur la partie sommitale de la falaise est actuellement le siège d’instabilités avec le détachement de blocs rocheux principalement liés à la présence de surplombs rocheux. Toutefois ces blocs ont une trajectoire limitée qui ne dépasse pas le tracé actuel de la voie ferrée.”
Quelle affirmation prétentieuse que pouvoir prévoir la trajectoire de futures chutes de blocs ! L’expérience a déjà prouvé que si une grande partie des blocs suivent à peu près une trajectoire prévisible, un pourcentage indéfinissable prend parfois une trajectoire totalement imprévisible par rebondissement sur d’autres blocs implantés dans le tremplin en bas de la falaise; tous ceux qui connaissent bien les carrières vous le confirmeront. Un bloc de 5 m de côté soit plus de 300 tonnes partant du sommet de la falaise peut parfaitement rebondir et couper le bâtiment Artévil-Foxtown en deux; de telles trajectoires ont déjà été constatées par le passé.

Ainsi, les conseils des Carrières d’Arvel SA se contredisent et prouvent eux-mêmes par ce rapport de leur propre cru l’existence de risques et de dangers énormes et indéniables.

D’autre part, on constate que ce rapport n’effleure même pas les questions de sécurité des ouvriers travaillant dans cette baignoire, qui ne serait rien d’autre qu’un piège en cas de chutes de pierres tombant depuis la digue, ou à l’opposé depuis les parois côté montagne. Il est étonnant et inacceptable que la sécurité des travailleurs ne préoccupe pas plus le Département de la Sécurité et de l’Environnement.
en page 1, point 2 :  “La connaissance des discontinuités majeures est rendue difficile par l’importante végétation qui masque totalement le versant. Leur localisation n’est possible que dans les carrières existantes […] La stabilité du massif semble être assurée.”
La butée d’appui au pied de la falaise n’existe que très partiellement. Elle a été exploitée presque complètement, avant le projet de la dent creuse. Les mesures de confortation envisagées dans le rapport seraient illusoires et inefficaces si l’on considère objectivement l’importance des masses (millions de tonnes). L’adaptation du plan d’extraction au fur et à mesure de l’avancement de l’exploitation démontre le côté aventureux du projet, au mépris de la sécurité du voisinage et des travailleurs. Les forages nécessaires pour définir et préciser la présence de discontinuités (page 2) devraient se faire avant d’autoriser le projet, afin de déterminer une éventuelle faisabilité sans risque majeur. MM Blanc et Guidolin pensent que les vibrations des explosions avaient probablement contribué à l’écroulement du massif rocheux en 1922. Mais pour creuser la baignoire derrière l’éperon-digue, il faudra cent fois plus d’explosions, plus puissantes et avec des explosifs plus violents et plus brisants qui font vibrer les bâtiments jusqu’à Villeneuve et Rennaz. Alors pourquoi ces explosions plus fortes et plus fréquentes n’influenceraient-elles pas la stabilité du massif encore fragilisé par sa topographie escarpée ? Là aussi, les auteurs du rapport prouvent l’existence de risques insensés créés par la réalisation de la dent creuse.
Enfin, d’après ce rapport (page 3), l’exploitation en dent creuse s’effectuera à partir d’une planie située à la cote 640 m, c.à.d au sommet de la falaise mise à jour par l’écroulement de 1922. Cette exploitation en dent creuse ne commencerait que 21 ans environ après le début de l’extension, soit vers 2025. Donc ce ne serait qu’à partir de ce futur lointain que les soi-disant effets bénéfiques de la dent creuse pourraient commencer à se faire sentir. Mais quelle tromperie pour la population de la région que ces promesses d’un projet “dans votre intérêt”. Pour qui prend-on les citoyens ?

En conclusion, cette courte contre-analyse de SOS-Arvel montre que le rapport de MM Blanc et Guidolin, certainement compétents, est une étude “de papier”, bâclée, tirée en partie de l’observation de l’écroulement de 1922 par Ph. Choffat. Ce rapport ne repose sur aucune étude spécifique adaptée au projet envisagé de dent creuse. La réalisation d’un tel rapport, largement insuffisant, et basée essentiellement sur des appréciations, est à la portée de tout observateur documenté ayant quelques connaissances en géologie.

Et une telle étude ne résisterait pas à l’épreuve d’une mise à l’enquête publique. C’est la raison évidente qui pousse le Canton et les Carrières d’Arvel à vouloir “faire le forcing” et tenter de faire passer leur nouveau projet sans nouvelle mise à l’enquête.