Article paru dans Le Temps, 20.3.2007

Nouveau revers juridique pour les carrières vaudoises 
VAUD. Le Tribunal fédéral rejette l'extension des gravières d'Arvel, au-dessus de Villeneuve. 

Le canton de Vaud n'a décidément pas de chance avec ses carrières. Le Tribunal fédéral (TF) vient en effet de donner un sérieux coup de frein au projet d'extension des carrières d'Arvel. L'exploitant des gravières au-dessus de Villeneuve, visibles loin à la ronde, ne pourra pas défricher le secteur dont il espérait tirer 15 millions de tonnes de roches sur 30 ans. Le TF donne ainsi raison aux quatre associations de protection de l'environnement qui avaient l'avaient saisi, Pro Natura, le WWF, Helvetia Nostra et la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage. 

Les considérants du jugement ne sont pas encore connus. Les associations dénonçaient notamment l'impact sur le paysage et les risques d'éboulement sur la zone commerciale située en contrebas. «C'est la fin d'une longue procédure, commente Serge Ansermet, secrétaire régional du WWF. Encore une fois, les décisions de l'Etat en matière de carrières sont mises en cause.» 

Riverains plus sensibles 

Ce n'est effectivement pas la première fois que les tribunaux renvoient au canton ses dossiers. L'extension des sites de Bioley-Orjulaz et de Montricher a ainsi échoué devant le Tribunal administratif au début de l'année dernière.Idem pour celui de Trélex-Gingins quelques mois plus tard. Des revers juridiques que l'Etat explique par une sensibilité accrue des riverains pour les nuisances en matière de bruit ou de poussière, et par l'attention soutenue des associations de défense de l'environnement pour ces questions. «La législation est de plus en plus étoffée en la matière, note un juriste du canton. Ce qui donne plus de voies de recours à un voisin ou une organisation qui voudrait s'opposer à ce genre de projet.» 

Mais les services de l'Etat ont également leur part de responsabilité, assure l'avocat Jean-Claude Perroud, qui a assisté et assiste encore des opposants à plusieurs projets d'extension. «Les services de l'Etat se considèrent plus comme une sorte d'aide aux exploitants que comme des organes de contrôle, voire de police. Ils ne veulent pas prendre la responsabilité de couler des projets, et préfèrent soutenir des dossiers qui enfreignent parfois crassement les textes de loi, quitte à les voir échouer devant les juges.» 

Parmi les associations de protection de l'environnement, certains dénoncent également un problème de collusion: pendant des années, le chef de la section cantonale des carrières était le cousin du directeur d'Impact Concept, la société chargée de la quasi-totalité des études d'impact des gravières. Le départ à la retraite du premier il y a quelques mois pourrait changer la donne, espère-t-on du côté des associations. 

Davantage de temps pour les archéologues au Mormont 

Ces conflits ne touchent cependant pas toutes les carrières du canton. Celle exploitée par la cimenterie Holcim à Eclépens poursuit son extension sur la colline du Mormont, malgré le site archéologique couvert dans la zone (LT du 22.09.2006). Le canton vient d'ailleurs d'autoriser le défrichement d'une nouvelle étape du vaste projet d'extension, afin de permettre aux archéologues de faire des sondages. En 2006, l'étude du site avait mis au jour 260 fosses creusées entre 120 et 80 av. J.-C. Elles témoignaient de l'utilisation du lieu par les Helvètes pour des rituels qui demeurent largement mystérieux. 

L'autorisation de défricher l'hectare prévu permettra aux archéologues de bénéficier de plus de temps pour étudier d'éventuelles nouvelles découvertes, avant que les pelleteuses n'entrent en action. 

Samuel Russier