Article paru dans 24 Heures, 25.3.2006

Recalés à Montricher, les exploitants de gravières sortent du bois

PIED DU JURA - Après une décennie de combat, le Tribunal administratif a rejeté la copie des promoteurs du site des Genevriers. Contraints de repartir de zéro, ils dénoncent la lenteur des procédures. 

Après des années de lutte, Franz Weber et ses amis défenseurs de l’environnement croient enfin tenir l’une des plus belles victoires sur le terrain des gravières. Pour eux, le site des Genevriers, à Montricher, n’a plus aucune chance d’être creusé, depuis que le Tribunal administratif (TA) leur a donné raison en renvoyant le dossier au canton, critiqué pour avoir accordé un peu vite le permis d’extraction. 

Risque de pollution de l’eau, dont la source alimente notamment Morges, nuisances sonores et routières, le tableau brossé par le juge est plus noir que jamais. «Il y a tout de même des nuances à y apporter», protestent Claude Moinat et Philippe Martin, directeurs de deux des trois sociétés concernées. «L’arrêt du TA est très sévère et ne tient pas compte du long parcours de ce dossier. La mise à l’enquête date de 1994, avec les normes et les lois de l’époque, lesquelles ont beaucoup changé. Nous ne nous attendions pas à un feu vert, mais à un feu orange dans l’attente de compléments adaptés à la législation. Avec le contenu de cet arrêt, les opposants peuvent en effet penser qu’ils ont gagné. »

Surplus de 500 000 francs

Selon le patron de Le Coultre, Philippe Martin: «Tout le monde a besoin de gravier et le site de Montricher est proche des constructions, ce qui en fait une priorité pour le canton. Au lieu de fournir des relevés actualisés, notamment les études d’hydrogéologie, nous allons devoir repartir de zéro pour le tout, ce qui signifie un investissement de 500 000 francs supplémentaires. Mais nous n’abandonnerons pas. »

Quant aux trois principaux reproches formulés par le tribunal, les deux partenaires ne les rejettent pas en bloc. «Durant ces cinq dernières années où nous attendions la décision, des normes ont changé, sans que nous puissions modifier le dossier déposé, regrette Claude Moinat, de Léman environnement. C’est un peu aberrant, mais sur la question de l’eau, nous n’avons pas d’autre choix que d’accepter le verdict. »

Une position qui n’est en revanche pas du tout partagée au sujet du transfert par le rail, où la solution BAM aurait été éludée. «Là, le juge est passé à travers, puisque le canton a réalisé l’étude Carlog en 2005, qui montre bien que cette alternative n’est pas possible en termes de faisabilité et de coût. Ce reproche est totalement infondé, mais il fait le miel des opposants», regrette Philippe Matin. 

Fair-play, les deux exploitants, traditionnellement peu diserts, sont déterminés à sortir plus souvent du bois pour mieux expliquer leurs projets, ce qui n’a pas souvent été le cas jusqu’ici. «Une nouvelle étude d’impact sera réalisée et nous espérons que les services de l’Etat iront cette fois beaucoup plus vite, afin que tout le monde puisse juger un dossier en adéquation avec la réalité du moment. Quant à nous, il est clair que la communication doit être revue. »

Cédric Jotterand