Interview exclusive

SOS-Arvel [SOS]  Tout d’abord, merci de nous accorder cette interview. C’est vraiment exceptionnel qu'une montagne ne reste pas de marbre.

Monts d’Arvel [MA]  Hélas, c’est pour pousser un cri au secours !

[SOS] Que s'est-il passé ?

[MA]  Je regarde depuis longtemps tout ce petit monde qui s’affaire à mes pieds. Les Romains prélevaient déjà, à la pioche, des morceaux de ma chair pour en faire leurs premières voies romaines. J’en étais plutôt fier, et ça ne me causait pas trop de mal.

[SOS] Et plus récemment, l’église de Montreux, aussi construite avec la pierre d'Arvel.

[MA]  Mais soudain, la folie s’est emparée de quelques-uns. Avec leurs machines, à grandes quantités d’explosifs, ils ont arraché des pans entiers de ma peau verdoyante et de mes entrailles. Je suis défiguré, et voilà que je les entends dire qu’il vont me torturer davantage. J’ai déjà beaucoup saigné.

[SOS] Que voulez-vous dire ?

[MA] Quand la douleur devient trop forte, vous avez dû apercevoir mon sang qui brille dans les balafres que l’on m’a infligées, à l’heure du coucher du soleil. Je suis pacifiste, mais il arrive que certains morceaux de ma chair tombent, comme si j’étais atteint de la lèpre, et tuent de malheureux ouvriers qui ne faisaient qu’obéir aux ordres.

[SOS] Comment voyez-vous votre avenir ?

[MA] Avec inquiétude. J’aurais voulu pouvoir encore me présenter dans mon plus beau costume aux générations qui vous succéderont. Je crains pourtant qu’ils ne trouvent qu'une montagne malade, où résonnent les détonations, exploitée à outrance, contre laquelle on aura posé quelques cataplasmes de verdure bien ridicules. Quand je pense que j’ai nourri par ma pierre les ancêtres de ceux qui vivent maintenant à mes pieds, et aujourd’hui pratiquement aucun d’entre eux ne prend ma défense. Je me sens trahi.

[SOS] De qui parlez-vous ?

[MA] Ils se reconnaîtront eux-mêmes. Je ne donnerai même pas un morceau de ma chair pour leur pierre tombale. Et les générations qui suivront n’oublieront jamais leurs noms. Ils resteront gravés dans mes balafres.

[SOS] Qu’attendez-vous ?

[MA] On décide de mon sort dans des bureaux bien éloignés. J’ai besoin du soutien de toutes celles et ceux qui veulent défendre une noble cause: ma survie. Quelques personnes courageuses se sont déjà engagées pour moi. J’espère que leurs troupes grandiront.

[SOS] D’ailleurs, un site Internet existe déjà, www.sos-arvel.ch, qui rapportera vos paroles.

[MA] Agissez vite ! Je sens de nouveau les détonations et les machines qui me déchirent.